Hawkline Manor
La route tournait un peu, puis se perdait derrière l’horizon d’une colline morte, et du haut de cette colline, on pouvait voir une énorme maison jaune à trois étages, située au milieu d’une petite prairie de la même couleur, à l’exception du tour de la maison où le sol était blanc comme neige.
On ne voyait ni clôture ni dépendances, ni rien d’humain, ni même un arbre, près de cette maison. Elle se dressait là toute seule au milieu de la prairie, avec quelque chose de blanc tout autour sur le sol.
Il n’y avait même pas de grange. A environ cent mètres de la maison, deux chevaux paissaient et à la même distance on pouvait voir une grande quantité de poulets roux picorer sur la route qui se terminait devant le porche de la maison.
La route s’arrêtait comme la signature d’un mourant sur un codicille.
Un gigantesque tas de charbon gisait à côté de la maison ; celle-ci était bâtie dans un pur style victorien, avec d’énormes pignons, des fenêtres à vitraux, des tourelles, des balcons, des cheminées de brique rouge, et une véranda colossale qui faisait le tour de la maison. La maison comportait vingt et une pièces, dont dix chambres à coucher et cinq salons.
Un simple coup d’œil sur la maison suffisait pour s’apercevoir qu’elle n’était certes pas à sa place, entourée ainsi par le vide et la solitude des Dead Hills. Cette maison aurait dû se trouver à Saint-Louis, à San Francisco ou à Chicago, ou n’importe où sauf là. Même Billy aurait pu être un endroit plus indiqué pour cette maison, mais telle qu’elle était, là, elle n’avait aucune raison d’être, si bien qu’elle semblait échappée d’un rêve.
Une lourde fumée noire jaillissait des trois cheminées de brique. Au sommet de la colline, régnait une température de trente-cinq degrés. Greer et Cameron se demandaient pourquoi l’on faisait du feu dans cette maison.
Ils restèrent ainsi en selle un moment sur l’horizon, les yeux rivés sur la maison. Magic Child souriait toujours. Elle était très heureuse.
— Je n’ai jamais rien vu de plus étrange de ma vie, dit Greer.
— N’oublie pas Hawaii, dit Cameron.